Dimitri Babichenko
Présentation
Dimitri Babichenko (1901-1991) débuta dans l'animation au sein des studios Soyuzkino et Mezhrapomfilm, entrant peu après, lors de sa création en 1936, au studio Soyuzmultfilm où il fera l'essentiel de sa carrière. Après des premiers métrages de contes animaliers – dont le tout premier film produit par Soyuzmultfilm V Afrike Zharko (Il fait chaud en Afrique) – , il réalisa quelques films d'animation à caractère militariste ou nationaliste, notamment Boevye stranicy (Chroniques de guerre, 1939) où il évoque dans le style artistique du réalisme socialiste divers conflits durant la guerre civile de 1918 à 1922 dont l'arrivée des troupes étrangères venues combattre auprès des armées blanches des monarchistes contre l'Armée rouge des Bolcheviques, avec notamment le débarquement des troupes japonaises à Vladivostok. La même année, dans Pobednyj marshrut (Destination la victoire), ventant la politique socialiste stalinienne, il traça positivement les sillons de la dékoulatisation qui fit des milliers de victimes (l'image est assez frappante puisque l'on y voit un homme entièrement mis sous terre après le passage d'un tracteur, engin moderne signifiant le renouveau de l'agriculture socialiste). Dans le même temps, il réalisa un film pour le 20ème anniversaire du cinéma soviétique d'Etat Lyubimye geroi (Les héros favoris), et il mit encore en scène le train de l’industrialisation soviétique dans Puteshestvie v stranu velikanov (Voyage au pays des géants, 1947) avec un conducteur d'un âge certain pouvant éventuellement évoquer la figure paternelle d'un Staline. Il œuvra aussi sur quelques créations satiriques comme pour les films 3 et 4 de la série Muk (en 1960-61). Il dirigéa également des films d'animation quelque peu inspirés de l'univers disneyen – voire de l'animation étasunienne en général –, comme en 1939 avec Voinstvennye Bobry (La Guerre des castors) où l'on peut y ressentir une certaine influence des Silly Symphonies (Walt Disney Production), ou en 1944 dans Muzykal'naya Shutka (Une plaisanterie musicale, titre faisant référence à une composition de Mozart) dans lequel il utilise des thèmes musicaux alors célèbres comme celui de la chanson française Je cherche après Titine composée en 1917 par Léo Daniderff, et internationalisée en 1936 dans le film Les Temps modernes de Charlie Chaplin – dans le fameux numéro ou Charlot interprétait la chanson sans sens, en un charabia fait de mots de diverses origines –, cette « plaisanterie » reprenant également Largo al factotum du Barbier de Séville de Rossini, comme un certain Woody Woodpecker le fit alors en avril de la même année, ou dans You Ought to Be in Pictures dirigé par Fritz Freleng quatre ans plus tôt avec Porky et Daffy des Looney Tones donnant la réplique à Leon Schlesinger lui-même. On retrouve la filiation disneyenne avec Vesennie Melodii (Mélodie de printemps, 1946), magnifique film où la nature reprend vie après l’hiver, en un charmant ballet, sur des musiques de Tchaïkovski dont, parmi les plus célèbres, la Marche dans Casse-Noisette. A propos encore de Chaplin, on peut entendre à nouveau la chanson française des Temps modernes dans Privet druz'yam! (Salut les amis !) signé par Babichenko en 1957, charmant court-métrage musical aux élans universels conçu pour le 6ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants se déroulant cette année-là à Moscou, en plein dégel après l'ère glaciaire stalinienne. En ce même film qui rend hommage à la jeunesse de plusieurs nations avec un personnage présentant le spectacle en imitant la gestuelle des artistes qu'il interprète, on pouvait y entendre, à la suite du numéro chaplinesque, un enregistrement de la voix d'Yves Montand chantant Grands boulevards (1951) – il reprendra d'ailleurs Je cherche après Titine en 1959 –, l'artiste français à la sensibilité communiste ayant acquit une immense célébrité en ce pays ; il y fit justement une grande tournée (URSS et pays du bloc de l'Est compris) avec Simone Signoret en 1956-57, cela après que l'Armée rouge soit intervenue et écrase dans le sang, en novembre 1956, l'insurrection des intellectuels et ouvriers hongrois à Budapest et ce, seulement quelques mois après que le président Krouchtchev ait condamné les crimes de Staline. Yves Montand montra d'ailleurs fermement son mécontentement face à Krouchtchev avec qui il eut l'occasion de déjeuner le 16 décembre 1956. C'est en cette même période de dégel que Babichenko réalisa parmi ses travaux les plus aboutis Le Petit Shego (voir fiche), et qu'il fit de même quasiment avec la même équipe, excepté le scénariste, sur Pervaya skripka (Le Premier Violon, 1958), un charmant court-métrage mettant en scène la difficulté pour une petite sauterelle d'apprendre à jouer du violon malgré son désir de maîtriser l'instrument. Ce film conçu avec une grande finesse dans l’exécution de la direction artistique fut récompensé en 1959 au Festival international d'art cinématographique de Venise, comme le fut deux plus tôt Le Petit Shego. Oeuvre également majeure de sa filmographie, Babichenko réalisa en 1959, avec Ivan Ivanov-Vano, son unique long-métrage d'animation Priklyucheniya Buratino (Les Aventures de Bouratino) sorti en France, notamment en VHS (Antarès) sous le titre Les Aventures de Pinocchio, ce film adaptant l'oeuvre de l'écrivain russe Alexis Tolstoï La Petite clé d'or ou les aventures de Bouratino d'après le roman Les Aventures de Pinocchio de Carlo Collodi. Précédemment, il réalisa également quelques films saupoudrés d'exotismes extrême-orientales comme Volshebniy klad (Un trésor magique, 1950) avec, en pays mongol, un oiseau tel le phœnix apportant son aide à un jeune berger l'ayant sauver des serres d'un vautour (ce dernier tout aussi prédateur qu'avec le perroquet du Petit Shego) et Bratja Lyu (Les Frères Liu, 1953, réalisé comme le précédant cité avec la technique de la rotoscopie) où trois frères jumeaux d'origine chinoise ayant quelques dons viennent en aide à ceux qu'ils croisent, l'un d'eux sachant parler aux animaux et rencontrant notamment sur son chemin un petit chevreau qui, lui aussi, lui apportera son aide alors que le jeune homme est fait prisonnier par un seigneur pour avoir empêcher celui-ci de chasser. Le petit chevreau galopant, et aidé d'un oiseau, avertira les deux frères étant retourner en leur foyer et s’inquiétant avec leur mère de l'absence du troisième. On pouvait également y voir un tigre menaçant le prisonnier qui, par de douce parole, calmera l'animal dont une certaine majesté se retrouvera en celui présent dans le Petit Shego. Vers la fin de sa carrière, Dimitri Babichenko travaillera pour le studio Ekran dont il serra un des membres de 1969 à 1975 et pour lequel il réalisera, entre autres, Priklyucheniya Pifa (Les Aventures de Pif, 1970), un moyen-métrage animé en temps réel avec des marionnettes mettant en scène l'univers de Pif de José Cabrero Arnal, le fameux personnage de Vaillant à Pif Gadget étant devenu célèbre au pays des soviets, non seulement de par la publication de planches originales, mais aussi au travers des illustrations et ouvrages de Vladimir Suteev. Dans ses derniers travaux pour ce studio, après un Trimpu v cirke (Trimpu au cirque, 1971) enthousiasmant de par sa forme avec des crayons virevoltant à l'écran et donnant vie à l'animation, il mettra en scène quelques contes de l'écrivain et poète Sergueï Mikhalkov (1913-2009). Octobre 2013
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Fiche publiée le 10 septembre 2003 - Lue 4757 fois |